Passant régulièrement mes vacances dans le sud-ouest une question me taraude depuis longtemps : pourquoi dans cette contrée le classique pain au chocolat porte-t-il le nom de chocolatine ?
On va y venir, mais d’abord un peu d’histoire :
Les viennoiseries ont depuis longtemps un lien fort avec la question religieuse puisque selon une des nombreuses légendes pâtissières qui courent, le croissant aurait été produit pour fêter la déroute des ottomans à Vienne (et donc créé à l’image de la demi lune du drapeau de l’envahisseur). Une autre légende voudrait qu’il ait été inventé pour fêter la première grande alliance entre des puissances chrétienne et musulmane (en l’occurrence François 1er et Soliman le magnifique, en 1536) qui durera jusqu’à l’invasion française de l’Egypte ottomane par Napoléon en 1798… Ainsi l’humble croissant ne serait rien d’autre qu’un ancien symbole du clash des civilisations et des relations tumultueuses entre l’islam et la chrétienté ?
Un de ses comparses du petit déjeuner lui a également brièvement volé la vedette dans ce registre, lorsqu’il a été utilisé dans une sortie médiatique « décomplexée » de M. Copé l’année dernière lors du meeting UMP de Draguignan. Mais cette instrumentalisation du pauvre pain au chocolat a eu pour effet l’ouverture d’un débat secondaire, linguistique, plus intéressant ; cette viennoiserie de la discorde n’est appelée « pain au chocolat » que dans une partie du pays alors que l’autre ne la connaît que sous le nom de « chocolatine »…1
Deux web designer français se sont alors intéressés à cette question et un sondage internet leur a permis de créer la belle carte isoglosse² suivante :
On voit que le pain au chocolat sort largement vainqueur de la confrontation et que la scission est claire entre les deux camps : les pro chocolatine étant très majoritaires dans le sud-ouest du pays (97% dans les Pyrénées-Atlantiques, 73% dans le Cantal,..) alors que l’opposition des pains au chocolat recueille les suffrages du reste du territoire. Des zones d’irréductibles chocolatines subsistent néanmoins dans le nord (à Paris avec 11% ou encore vers Aubenas à l’est). L’exclave (j’aime bien le mot) des Pyrénées-Orientales, autour de Perpignan recueillant quand à elle un 77à 23 en faveur des pains au chocolat.
Leur étude explique également, en se basant sur l’occurrence du mot dans la littérature, que le terme de chocolatine détenait en fait le monopole jusque dans les années 40 avant d’être brutalement remplacé par son concurrent vers le milieu de cette décennie. La chocolatine est donc moins une variante régionale qu’une relique langagière qui subsiste encore dans le sud-est !
Mais pourquoi donc dans le sud-ouest ?
Quelques possibilités :
– Serait-ce le fait que la région vote généralement différemment du reste de la France lors des élections présidentielles3 ?
– Ou alors que la zone corresponde vaguement à l’ancien royaume Visigoth défait à Vouillé en 507 par les Mérovingiens ?
– Ou enfin, et c’est là qu’on retombe contre toute attente sur nos pattes et sur l’anecdote de M. Copé, la position de garde frontière de la ville de Poitiers entre les deux variantes de la même pâtisserie ferait-elle écho à celle ou Charles Martel fixa les limites de l’avancé des armées musulmanes Omeyyades en 732 ? Serait-il temps de mener une croisade contre le mot chocolatine ?
Au final je pense qu’on peut affirmer que l’on n’a pas la moindre idée du pourquoi de cette différence d’appellation. La réponse à cette question universellement débattue n’est pas non plus 42 mais on voit qu’avec un peu d’imagination les rapprochements les plus improbables sont toujours possibles…
1oui je sais, que de digressions pour en arriver là…
2Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’est un isoglosse : le mot désigne une ligne correspondant à l’ensemble des lieux limites présentant un même phénomène linguistique et séparant, sur une carte, deux aires dialectales distinctes. (Robert historique de la langue française).
3tout du moins pour les premiers tours de 2007 et 2012
Article original de Frank Jacobs sur http://bigthink.com/
la chocolatine un mot anglais, alors là, cela vaut une noix d’honneur… d’abord, parce que le « Sud-Ouest » n’a jamais été « anglais ». Les ducs d’Aquitaine ont un certain temps été aussi rois d’Angleterre, pour le reste nous avons conservé notre occitan local, où « -ina » est un suffixe diminutif fréquent, notamment dans les prénoms, mais pas seulement: prauba!, « la pauvre », praubina!, « la pauvre petite »… Il est temps que nous Occitans reconquérions l’Est envahi par ce mot français dépourvu de goût 🙂
En région lyonnaise (où j’habitais dans mon enfance), il me semble qu’on ne disait pas « pain au chocolat », mais « petit pain ».
Je viens d’apprendre quelque part sur la toile que chocolatine searit le terme francisé correspondant à « chocolate in », abréviation de « chocolate in bread ». Et pourquoi le Sud Ouest? Parce que dans le Sud Ouest on est moitié anglais et la guerre de 100ans, on l’a perdue con!
Ah pas mal, très crédible. On va garder celle là faute de mieux (j’avoue que je n’avais, pour le coup, pas l’ombre d’une piste sur l’étymologie). Merci.
C’est tout simplement que dans le sud-ouest, un pain au chocolat et une chocolatine, ce n’est n’est pas la même chose.
Un pain au chocolat désigne une sorte de petit pain de mie avec une barre de chocolat au milieu.
Mmmmhh oui mais la chocolatine?
Salut. Ce serai possible de faire la même chose avec les pains russes/pains aux raisins?
Pains aux raisins je vois mais alors les pains aux russes…
Je maintiendrai le terme de pain au chocolat pour part…
Oui comme tous les gens sensés!